1. Les contrats FIDIC prévoient de manière obligatoire que le demandeur doit tout d’abord engager la procédure de conciliation (DAB) avant que le recours à l’arbitrage soit ouvert.

2. Toutefois, des exceptions sont possibles. Dans des cas exceptionnels il est également possible d’avoir recours à l’arbitrage sans saisine préalable du bureau de conciliation (DAB)

 3. Le fait que les clauses de la convention de conciliation sont obligatoires s’apprécie selon le droit auquel la convention d’arbitrage est soumise.

Problème/Faits

L’entrepreneur fait valoir après l’achèvement des travaux en Roumanie 21 millions d’euros découlant du contrat FIDIC Red Book (Live Rouge).  Le contrat contient une clause relative au mode alternatif de règlement des litiges ainsi qu’une clause d’arbitrage. Il faudra env. 15 mois  (de mars 2011 à juillet 2012) pour désigner un bureau de conciliation à trois membres (DAB) et par la suite les parties ne purent se mettre d’accord sur le contenu de la convention de conciliation (DAA). En juillet 2012 l’entrepreneur sollicite l’ouverture d’une procédure d’arbitrage. Le Maître de l’ouvrage (MO) invoque la priorité de la clause contractuelle relative au mode alternatif de règlement des litiges et conteste la compétence du tribunal arbitral. Le tribunal arbitral cependant reconnait sa compétence. Le MO saisit la Cour suprême contre cette décision.

Décision

La Cour suprême rejette l’exception d’incompétence. Elle apprécie que la question de la validité de la clause relative au mode alternatif de règlement des litiges selon le droit suisse, qui selon elle/son opinion vaut de toute façon pour la vérification de la clause d’arbitrage. Elle considère qu’il est inopportun et compliqué de faire recours dans cette mesure à un second ordre juridique tel que la lex causae. Elle confirme que les contrats FIDIC contiennent une clause d’arbitrage valable (clause 20.6) et reconnait que la clause relative au mode alternatif de règlement des litiges FIDIC (DAB) selon les clauses 20.1 à 20.4 sont en principe obligatoires/contraignantes. Néanmoins il manque une clause obligeant les parties à conclure une convention de conciliation tripartite (DAA). En outre elle nie le fait que l’entrepreneur ait fait échouer de mauvaise foi la conclusion de la convention de conciliation avec les membres potentiels. Elle juge par conséquent que dans le cas concret l’entrepreneur a exceptionnellement le droit de saisir un tribunal arbitral  parce  (1) qu’il ne rime plus à rien d‘impliquer le bureau de conciliation (DAB) après que les parties ont omis/négligé de désigner un bureau de conciliation permanent comme prévu à l’origine et (2) qu’il s’agit en fait de par ce laps de temps   d’un bureau de conciliation ad hoc qui ne peut agir que comme une première instance avant le tribunal arbitral.

Conseil pratique

La décision traite des aspects très importants du mode de règlement alternatif des différends dans la pratique de la construction internationale. Les contrats FIDIC sont axés sur une résolution rapide, efficace et rentable des différends. Avant la procédure d’arbitrage, les parties doivent en principe porter leur différend devant le bureau de conciliation (DAB). Celui-ci doit tout d’abord être désigné conformément aux 20.2 et 20.3. Dans une première étape, les parties nomment les membres potentiels du bureau. Ensuite une convention de conciliation qui définit la rémunération et la procédure applicable est conclue entre les deux parties au contrat de construction et les membres du bureau de conciliation (DAB). Si aucune convention de conciliation n’est conclue le bureau de conciliation n’est pas opérationnel comme le constate justement la Cour suprême. Si aucun bureau de conciliation tripartite n’est créé la Cour suprême permet aux parties, à défaut de droit à la conclusion de la convention de conciliation, d’éluder le mode alternatif de règlement des litiges dans la mesure où ceci n’est pas contraire à la bonne foi. C’est un résultat qui n’est pas vraiment suggéré par le libellé de la clause 20.2. Elle dispose que le bureau de conciliation (à trois membres) doit remplir certaines exigences (citées) ce qui permet la conclusion qu’il existe bien un droit à la conclusion de la convention de la conciliation. Il est également envisageable que le DAB “ex parte” se déplace. Dans tous les cas cela se fait dans la pratique. La Cour suprême adoucit donc le mécanisme relatif au mode alternatif de règlement des différends de la FIDIC, sans vraiment montrer des raisons impérieuses. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’arbitrage a été engagé peu après la nomination réussie du bureau de conciliation (DAB), et que seule la convention de conciliation faisait défaut.

Maître Dr. Hök est inscrit sur la liste du Président de la FIDIC des conciliateurs (adjudicators). Il était membre des DABs en Asie, Europe, Amérique et en Afrique. L´auteur  était membre du panel d´examen des conciliateurs (adjudicators) en Indonésie, au Sri Lanka, au Vietnam et aux Philippines, mais également à Paris pour l’association francaise des ingénieurs-conseils (Syntec) qui vient récemment d’établir la liste nationale francaise des conciliateurs (adjudcators). Il est, par ailleurs, formateur accrédité auprès de la FIDIC et actuel président du panel d’accréditation des formateurs FIDIC.